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Le Monde Société

Une formation pour apprendre à s’engager

L’Essec et CY Cergy Paris université ont créé, à la rentrée2022, un cursus centré autour des questions de transitions écologiques et sociétales

Dans les couloirs du Learning Planet Institute, dans le 4e arrondissement de Paris, rattaché à l’université Paris Cité, elle ne passe pas inaperçue avec sa flamboyante chevelure rousse, son pull vert pomme et sa personnalité affirmée. A 19 ans, Louise ne s’habille qu’en friperie, ne mange plus de viande et passe une partie de son temps libre à faire du bénévolat. Pour
être en accord avec ses convictions, la jeune femme originaire de l’Oise a choisi d’intégrer le Bachelor Act. Un nouveau cursus post-bac proposé, depuis la rentrée 2022, par l’Essec et CY Cergy Paris Université pour apprendre à conduire des projets au service des transitions écologiques, citoyennes et sociétales.

Composée de 1800 heures dont un semestre à l’étranger, la formation, qui
délivre un grade de licence, comprend à la fois des sciences naturelles pour aider les étudiants à comprendre les liens entre le climat, l’activité humaine et le vivant, et des sciences sociales (sociologie, économie, politique, psychologie, philosophie…) pour leur permettre plus tard d’agir à l’échelle des sociétés et des organisations.

Sont également intégrés au programme des cours de sciences de gestion(stratégie, management, finance, comptabilité, marketing,
science de la décision…) et de sciences appliquées (outils informatiques,
numériques et travail collaboratif). «La conviction est un moteur indispensable pour s’engager en faveur de la cause environnementale», souligne Aymeric Marmorat, directeur exécutif du Bachelor Act. «Mais cela ne suffit pas. Les défis auxquels la société est aujourd’hui confrontée – le renforcement des inégalités, le réchauffement climatique, la montée des extrémismes… – nous obligent à transformer nos organisations, ce qui nécessite tout un tas de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. » Son ambition, avec le Bachelor Act, est d’inculquer aux jeunes à la fois une bonne connaissance des enjeux socio-environnementaux et une capacité à
faire travailler ensemble toutes sortes de profils autour d’un projet commun.

Au total, 104 étudiants ont candidaté cette année. «Lors de la première sélection sur dossier via Parcoursup, on a regardé non seulement le niveau académique des élèves, mais aussi leurs motivations et leurs engagements, que ce soit dans un club sportif, une association ou au sein de leur famille», explique Aymeric Marmorat. Les candidats admissibles ont alors été soumis à un entretien de motivation de quarante minutes. A l’issue duquel 31 ont été retenus, dont 75% de filles.

Développer un regard critique

Ce jeudi matin, les heureux élus doivent présenter, avec un regard critique, en petits groupes, une piste de solution répondant à un enjeu de durabilité, en cinq minutes chrono. Debout devant toute la classe, Louise jette un dernier coup d’œil à ses notes et commence son exposé. «Nous allons vous parler ici de la voiture électrique», annonce-t-elle, le doigt sur la télécommande du vidéoprojecteur. «La voiture électrique fonctionne grâce à une batterie rechargeable à l’aide d’une prise ou d’une borne de recharge. Ses avantages? Elle n’émet pas de polluants dans l’air et pas de CO₂, elle est silencieuse, économique à l’utilisation et nécessite peu d’entretien.» Sareja embraye sur les inconvénients. «Pour fabriquer les moteurs électriques, il faut extraire des terres rares, un ensemble de métaux exploités principalement en Chine au prix d’une pollution énorme», explique-t-elle, les yeux rivés sur son cahier. Le chronomètre touche à
sa fin. Une salve d’applaudissements résonne dans la salle. «Votre présentation était très jolie», félicite Léo Houdebine, ingénieur pédagogique au Learning Planet Institute. «Attention, en revanche, vous avez oublié d’exposer le problème auquel vous vous attaquez, et les informations que vous donnez ne s’appuient pas toujours sur des sources fiables.»

A l’image de ce cours, toute la pédagogie du Bachelor Act s’inspire de la Team Academy en Finlande, une formation à l’entrepreneuriat fondée sur le travail en équipe et l’apprentissage par l’action. Au cours du second semestre, les étudiants du Bachelor Act vont ainsi mener un diagnostic sur le territoire de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), avec des préconisations pour accompagner les habitants dans la transition écologique. Plus tard, ils seront amenés à organiser une mobilisation citoyenne autour d’une cause et à monter un projet d’entreprise sociale. «Le but est d’ancrer la formation dans le réel afin d’en faire une expérience professionnalisante», insiste Aymeric Marmorat.

Mais ce type d’apprentissage a un coût: 9000 euros par an. Pour garantir une diversité sociale, tous les boursiers, cette année, sont exonérés de frais de scolarité, soit 40 % de la promotion. Maël, 18 ans, a beau faire partie des bénéficiaires, il n’en reste pas moins mal à l’aise avec cette question de prix. «Pour moi, ça pose quand même un problème d’inclusion», témoigne le jeune homme qui a passé une partie de son enfance en Indonésie, où beaucoup d’enfants n’ont pas accès à l’éducation. «Un comble pour une
formation axée sur les discriminations.» Fille d’un technicien de maintenance et d’une directrice commerciale, Louise, elle, a dû contracter un emprunt pour financer ses études. «Au départ, j’étais un peu stressée à l’idée de m’inscrire dans un parcours qui n’avait pas encore fait ses preuves, reconnaît- elle. Même si les marques Essec et CY Cergy Paris Université étaient pour moi des gages de qualité, j’avais le sentiment de faire un grand saut dans l’inconnu.» Aujourd’hui, avec le recul, elle ne regrette pas du tout son choix. «Avoir à la fois des cours théoriques et du terrain nous permet d’acquérir des connaissances sur tous les sujets.» A la sortie, Louise se verrait bien devenir lobbyiste… «ou présidente de la République», dit-elle avec malice. «Mettre en place de nouvelles lois, c’est le moyen le plus concret aujourd’hui d’avoir un maximum d’impact sur la société.»