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Économie Le Parisien

Le bâtiment sur le chemin de la transition écologique

Afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le gouvernement investit massivement sur la rénovation énergétique des bâtiments. Reste à revoir les standards de construction.

C’est l’un des axes forts du plan de relance annoncé le 3 septembre 2020 par le Premier ministre Jean Castex pour soutenir l’économie et l’emploi,
durement touchés par la crise du Covid-19. Une enveloppe de 6,7 Mds€ va être dégagée sur deux ans pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. Objectifs : atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et honorer les engagements pris à Paris lors de la COP 21. Dans le détail, 4 Mds€ seront alloués au tertiaire public, 2 Mds€ aux logements privés, 500 M€ au parc social et 200 M€ aux bâtiments tertiaires des PME et TPE. Insuffisant, rétorque le Réseau Action Climat qui estime à hauteur de 43,4 Mds€ les investissements nécessaires sur deux ans. Aujourd’hui, le secteur du bâtiment et de la construction reste en effet l’un des plus mauvais élèves, avec les transports, en matière de réduction d’empreinte carbone. En France, près de la moitié de la consommation d’énergie et un tiers des émissions de gaz à effet de serre émanent de celui-ci. « Voilà cinquante ans que l’on adopte des réglementations pour réduire la consommation de chauffage dans les bâtiments », constate avec amertume Alain Bornarel, ingénieur centralien, à l’initiative du manifeste pour une frugalité heureuse et créative lancé en 2018. « Mais pour réussir la transition énergétique, il serait temps de s’attaquer à d’autres postes, comme les consommations liées à l’utilisation des appareils ménagers ou des équipements informatiques ou la climatisation.»

On peut travailler sur l’orientation, l’isolation, la ventilation naturelle…

Alain Bornarel, centralien

Au-delà des usages, cela implique évidemment de revoir aussi la façon dont on conçoit les bâtiments. « On peut travailler non seulement sur leur enveloppe et leur forme mais aussi sur leur orientation, leur isolation, leur ventilation naturelle…» suggère-t-il. Le choix des matériaux pèse aussi beaucoup. « Aujourd’hui, la construction utilise essentiellement le béton et les dérivés du pétrole », indique Alain Bornarel. Pourtant, des alternatives existent : le bois, la paille, le chanvre, ou encore la terre crue. Les initiatives dans le domaine se multiplient. A Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), par exemple, l’école Louise Michel a été entièrement conçue avec des matériaux bio : du bois pour l’ossature et de la paille ou de la laine de bois pour l’isolation. « Pour limiter l’impact environnemental, on peut aussi réemployer des matériaux qui ont été utilisés sur d’autres bâtiments », suggère l’ingénieur. L’enjeu est de taille. Quelque 246 millions de tonnes de déchets sont produites chaque année par les activités du bâtiment et des travaux publics (BTP), soit près des trois-quarts des déchets en France.

« Une forme de sobriété architecturale »

Nicola Delon, cofondateur du collectif Encore Heureux

A 43 ans, Nicola Delon est l’archétype de la nouvelle vague d’architectes : aussi soucieux de l’homme que de la planète. Et ses origines rurales n’y sont sûrement pas pour rien. « Je suis né à Constantine, en Algérie, où mes parents exerçaient comme médecins, mais j’ai passé le plus clair de mon enfance dans une petite commune de l’Aveyron au milieu des chevaux », raconte-t-il. C’est pourtant vers l’École d’architecture de Toulouse puis celle de Paris la Villette qu’il s’oriente. « J’étais attiré par la dimension généraliste de ce métier, à l’interface de l’histoire de l’art, de la physique, du politique, explique-t-il. Mais j’avais envie de l’exercer autrement. » Pas question pour lui de perpétuer la tradition du grand démiurge qui impose son geste esthétique. « En plus d’être extrêmement coûteuse, cette démarche s’avère totalement inadaptée aux défis de notre société », assure-t-il.

ÉVITER DE DÉMOLIR DES BÂTIMENTS
Son ambition ? « Mettre l’architecture au service d’un futur plus soutenable. » Ainsi, dès 2001, il monte avec son complice Julien Choppin le collectif Encore Heureux, qui veut agir sur le réel en minimisant son impact. « Il s’agit d’éviter au maximum de démolir des bâtiments et de donner une seconde vie à tous les matériaux qui peuvent resservir », détaille-t-il.

DU BOIS ET DE LA TERRE
« Ce n’est ni un retour à la chandelle, ni un renoncement à la qualité. Juste une forme de sobriété architecturale qui vise à limiter les déchets et à préserver les ressources », souligne-t-il. « Et quand le réemploi ne répond pas à tous nos besoins, nous privilégions les matériaux biosourcés, comme le bois ou la terre. » Le projet du Petit Bain, un équipement culturel flottant bardé de bois, au pied de la bibliothèque François-Mitterrand à Paris (XIIIe), lui sert de vitrine. Dès lors, les commandes pleuvent : le pavillon implanté sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris à l’occasion de la COP 21, la maison du projet Morland Mixité Capitale, le restaurant du premier étage de la tour Eiffel, le lycée des métiers du bâtiment à Mayotte ou la rénovation du siège social de Michelin à Clermont-Ferrand… « On a, par exemple, réemployé d’anciens vitrages extérieurs pour en faire des cloisons de salles de réunion, indique-t-il. Si les matériaux s’épuisent,
notre capacité d’innovation, elle, est inépuisable. »

A Marseille, un échantillon de la ville du futur

Prenez des spécialistes de la construction, des infrastructures, de l’énergie et du métal. Mélangez-les avec des urbanistes, des architectes et des designers. Laissez infuser. Vous saurez grosso modo à quoi devra ressembler la ville à l’horizon 2030-2050 pour répondre aux enjeux du
changement climatique et aux besoins des usagers. C’est la démarche qu’a suivie le groupe de construction et de concessions Eiffage, à partir de 2007, au sein de son laboratoire de prospective en développement urbain durable baptisé Phosphore. De là est né le projet Smartseille, un écoquartier exemplaire de 58 000 m2 bâti sur une ancienne friche industrielle au nord de Marseille. Ici, des logements – à la fois sociaux et en accession à la propriété —, là, un hôtel, des bureaux, des commerces, une crèche, une résidence intergénérationnelle, une école primaire et maternelle. « En mêlant ainsi les fonctions, l’objectif était non seulement de faire vivre le quartier 24 heures sur 24 mais aussi de permettre une réelle mixité à la fois sociale, fonctionnelle et générationnelle. Au final, de favoriser le mieux vivre ensemble», insiste Hervé Gatineau, directeur immobilier grands projets chez Eiffage pour la zone sud-est.

CHAUFFÉ A L’EAU DE MER
Pour la construction, rien n’a été laissé au hasard. « On a utilisé du béton bas carbone, et pour préserver le confort d’été, on a travaillé sur une architecture méditerranéenne avec des loggias et des doubles façades en moucharabiehs (NDLR : panneau ajouré) », explique-t-il. L’ensemble est chauffé et climatisé via un système de thalassothermie. Le principe ? On capte de l’eau de mer tempérée à moyenne profondeur dans le port. Puis on la conduit jusqu’à un échangeur thermique, relié à une boucle d’eau douce. Selon les besoins, celui-ci va refroidir ou réchauffer l’eau. « Tous les bâtiments sont reliés entre eux, ce qui permet de récupérer la chaleur dégagée lors de la production de climatisation pour les bureaux et de l’utiliser pour produire l’eau chaude sanitaire des logements et inversement », précise Hervé Gatineau. Cela représente une économie de 30% sur la facture énergétique. « L’idée sur ce projet n’a jamais été de déployer la technologie pour la technologie mais de trouver des solutions qui permettent de répondre au mieux aux usages », insiste Hervé Gatineau.

8 astuces pour réduire sa consommation d’énergie à la maison

Chauffage, isolation, électricité… Les Français ont conscience que leur mode de vie pèse sur la planète. Et ils sont loin d’y être insensibles. D’après une étude réalisée en 2018 par Ipsos pour ING International Survey*, 51 % d’entre eux se disent prêts à faire plus dans leur logement.
Le hic, c’est qu’ils ne savent pas toujours comment s’y prendre. Voici huit conseils pour diminuer son empreinte écologique à la maison.

1-FAIRE UN ÉTAT DES LIEUX
Ce diagnostic portera sur les consommations et l’état de son logement . «Pour agir, encore faut-il savoir d’où on part », rappelle Vincent Levistre, conseiller chez Énergies solidaires sur le dispositif Faire. Ce guichet unique national permet aux particuliers de bénéficier d’un accompagnement gratuit et neutre pour leur projet de rénovation. Son conseil ? Sortir ses factures d’énergie et identifier les postes de consommation les plus importants de son habitation. « Derrière chaque usage, il y a des consommations, même si on n’en est pas toujours conscient», rappelle Vincent Levistre. « Si la partie congélateur de votre frigo est pleine de glace, cela peut faire augmenter la consommation globale de l’appareil de 30 %. »

2-JOUER SUR LA PROGRAMMATION
« Le chauffage représente en moyenne 65 % du budget d’énergie des ménages », rappelle l’expert. « Lorsqu’on dort ou qu’on s’absente, il est donc recommandé de baisser la température de son logement». Un moyen à la fois de faire des économies et de réduire son empreinte carbone.

3-VÉRIFIER SON ABONNEMENT
Il doit être bien adapté à ses consommations d’énergie. Inutile de prendre un compteur électrique d’une puissance de 12 kVA si on n’en consomme que 6 ! Car plus la puissance du compteur sera élevée, plus le prix de l’abonnement d’électricité sera cher.

4-ADOPTER LES GESTES MALINS
Mettre un couvercle sur sa casserole quand on fait bouillir de l’eau pour éviter les déperditions d’énergie, couper les veilles sur ses appareils électriques… Des astuces toutes simples qui peuvent faire baisser la facture de plusieurs dizaines d’euros.

5-INSTALLER DES AMPOULES LEDS
D’accord, les ampoules leds sont plus chères à l’achat, mais elles durent beaucoup plus longtemps et sont beaucoup moins énergivores. Un investissement rentable sur la durée.

6-RENFORCER L’ISOLATION
Ce sont les premiers travaux à entreprendre pour avoir des résultats. « Si les
gens hésitent aujourd’hui à se lancer dans la rénovation énergétique de leur logement, c’est principalement par manque d’informations »,
lance Vincent Levistre. « Ils méconnaissent les aides financières qui existent et n’ont pas les compétences techniques suffisantes pour faire des choix éclairés. Pour isoler, leur premier réflexe est souvent de changer leurs fenêtres. Mais la priorité, c’est d’installer des isolants suffisamment épais dans les combles et les murs. »

7-REVOIR SON SYSTÈME DE CHAUFFAGE
Si l’isolation ne suffit pas, on peut songer soit à changer son appareil de chauffage pour un modèle plus récent, soit à se tourner vers une autre énergie.


8-PRODUIRE DE L’ÉNERGIE
Installer des panneaux photovoltaïques sur le toit de sa maison va permettre soit de réduire la consommation électrique de son logement,
soit de revendre l’énergie qu’on a produite et de diminuer sa facture;

*Etude réalisée en ligne du 6 au 18 juin par Ipsos pour ING International Survey auprès de 15 000 personnes, dans 15 pays.