Catégories
Les Echos Société

Habitat : les copropriétés privées doivent accélérer leur rénovation énergétique

La mise en place d’un plan pluriannuel de travaux dans les copropriétés de plus de 15 ans et l’interdiction de location des passoires thermiques doivent permettre d’engager des travaux rapides d’efficacité énergétique. Plus de 700.000 immeubles collectifs sont concernés en priorité.

Barbara Dumez entrevoit le bout du tunnel. Après deux ans de chantier, la rénovation énergétique de sa copropriété , située rue du Cotentin dans le XVe arrondissement de Paris, touche presque à sa fin. « L’adoption de la loi Alur [obligeant les copropriétaires à statuer sur la réalisation d’un diagnostic technique global et à créer un fonds de travaux, NDLR] nous a poussés à lancer un chantier d’économies d’énergie », explique cette avocate de 61 ans qui préside le conseil syndical.

Au menu : isolation des pignons, de la toiture, de la terrasse et de l’entrée du parking ; remplacement des pas-de-porte et des anciennes fenêtres ; réfection du système d’aération dans les cuisines et les salles de bains… le tout pour un budget de 2,5 millions d’euros. « Devant l’ampleur du projet, certains copropriétaires ont préféré vendre, regrette-t-elle. C’est dommage. Mais face au réchauffement climatique, nous ne pouvions plus continuer à laisser s’échapper la chaleur. »

Trouver un consensus entre copropriétaires

Comme Barbara, près d’un ménage sur trois (28,1 %) en France habite en copropriété d’après l’Insee, ce qui représente plus de 9,7 millions de logements. « Près de 15 % d’entre eux sont classés en F ou G, c’est-à-dire considérés comme des passoires thermiques », rappelle Pierre Deroubaix, ingénieur au service bâtiment de l’Ademe. Alors que le gouvernement s’est engagé à mettre l’ensemble du parc immobilier aux normes Bâtiment basse consommation d’énergie (BBC) à l’horizon 2050, la rénovation énergétique de ces quelque 740.000 immeubles collectifs apparaît donc comme une priorité.

Mais la dynamique peine à s’enclencher. « Dans les copropriétés, il faut trouver un consensus entre des propriétaires qui ont des intérêts et des revenus divers, souligne l’expert. Contrairement à un propriétaire occupant, un bailleur, par exemple, ne paie pas les factures énergétiques. Il sera donc forcément moins enclin à engager des travaux qui vont plomber sa rentabilité. » D’où l’importance de faire de la pédagogie.

C’est l’ambition du programme Rénovons collectif, déployé depuis octobre 2021 par Ile-de-France énergies . « Outre des campagnes de communication, on a lancé le mooc Réno Copro, une formation gratuite en ligne destinée aux syndics, conseils syndicaux et copropriétaires qui souhaitent s’investir dans un projet de rénovation », explique Chloë Gauquelin, chargée du programme Rénovons collectif.

Se doter d’un plan pluriannuel de travaux

Sensibiliser, c’est bien. Mais difficile d’engager un mouvement de fond sans passer par la contrainte. C’est pourquoi la loi Climat et résilience du 22 août 2021 prévoit d’interdire à la location, dès le 1er janvier 2023, les passoires thermiques dont la consommation excède 450 kilowattheures/m²/an d’énergie finale, soit une large partie de la classe énergie G. Cette mesure sera ensuite élargie au reste des G en 2025, aux F en 2028 et aux E en 2034. Et ce n’est pas tout.

Le texte impose par ailleurs aux copropriétés de plus de 15 ans de se doter d’un plan pluriannuel de travaux. Ce document officiel établit la liste des travaux à mener sur une période de 10 ans pour assurer le bon entretien des bâtiments et améliorer leurs performances énergétiques. « Programmer les travaux à l’avance semble plutôt sain sur le papier », note Philippe Alluin, ingénieur et architecte, fondateur du bureau d’études Reezome. « Sauf que le parc est dans un tel état qu’on ne peut plus se permettre de rénover par petites touches. Il faut procéder le plus possible à des rénovations globales en une fois. » Un moyen aussi de limiter les frais fixes et de maximiser les aides financières.

Augmenter la valeur de son bien

Le dispositif MaPrimRénov’ Copropriétés prévoit une aide de base à 25 % du montant des travaux par logement, dans la limite de 3.750 euros. A condition que le programme de travaux permette un gain énergétique de 35 % minimum. Un financement complémentaire de 750 à 1.500 euros par logement est proposé aux copropriétaires occupants dont les ressources sont modestes, voire très modestes.

L’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) est par ailleurs financée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah ) à hauteur de 30 % du montant de la prestation. « Quand les copropriétaires voient le montant global d’une rénovation complète, ils ont souvent tendance au début à freiner des quatre fers », constate Raphaël Claustre, directeur général d’Ile-de-France énergies. « Mais ce qu’ils doivent avant tout regarder, c’est leur quote-part du coût global. Avec le jeu des subventions, l’impact financier n’est pas forcément plus important que dans une simple rénovation d’entretien. »

D’autant qu’il faut tenir compte dans ces calculs des économies d’énergie réalisées. « La rénovation va nous permettre de passer de la classe énergie D à C, et de réduire nos charges de 25 % », se félicite ainsi Barbara Dumez. « Cela va ajouter de la valeur aux appartements. Ceux qui voudront vendre leur bien un jour pourront facilement en tirer 1.000 euros de plus du mètre carré. C’est loin d’être une paille ! »