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Congé paternité: des entreprises l’allongent à un mois

Au moins un mois de congé au second parent, contre 11 jours légaux en France, lors de l’arrivée d’un enfant, c’est le cadeau que font à leurs salariés plus de 300 entreprises.

Doubler le nombre de jours du congé de naissance du second parent… Le projet est encore dans les cartons du gouvernement. Des entreprises ont pris les devants. « BETC, BlaBlaCar, Envie de fraises, HomeExchange, MeilleursAgents, Talentsoft… En trois mois, 302 entreprises, représentant 35 686 salariés, ont répondu à notre appel et ce n’est, je l’espère, qu’un début », lance Isabelle Rabier, CEO de la start-up Jolimoi et l’une des trois instigatrices du Parental Act. Une charte élaborée en début d’année qui prévoit d’accorder, à la naissance d’un enfant,un congé d’au minimum quatre semaines rémunéré à 100% au second parent, quels que soient son sexe et son statut. « Aujourd’hui, en France, quand votre famille s’agrandit, vous avez droit légalement aux trois jours de congé de naissance, puis à onze jours calendaires consécutifs, week-end et jour férié compris, 18 jours en cas de naissances multiples », rappelle l’entrepreneuse. Une misère comparée aux 8 semaines, payées à 100%, accordées en Espagne ou aux 10 à 39 semaines consenties au Danemark. En attendant que la loi française évolue, l’idée est donc d’octroyer davantage de droits aux hommes pour en redonner aux femmes.

« Les études montrent que plus on allonge le congé paternité standard, plus on favorise l’égalité tant au sein du foyer que dans l’entreprise », souligne Patrice Bonfy, cofondateur du Paternel, un média digital à destination de la nouvelle génération de pères. « Les hommes prennent ainsi l’habitude dès le début de s’impliquer dans la vie familiale, ce qui a pour effet à long terme d’augmenter le taux d’emploi et le salaire des femmes. »

UNE QUESTION D’ÉQUITÉ

Le congé second parent prolongé peut être mis en place soit via un accord collectif soit par le biais d’un engagement unilatéral de l’employeur, le format le moins contraignant juridiquement. C’est d’ailleurs l’option qu’a choisie Frédéric de Goubert, PDG d’Akeneo, une société nantaise créée en 2013 qui édite des logiciels à destination des marques et des distributeurs. « Pour une question de cohérence et d’équité, ilétait important pour nous de proposer ce dispositif à l’ensemble de nos 190 salariés répartis dans 5 pays », explique-t-il. « Parce que la problématique de fond est la même partout. » Philippe Mossière a été le premier à en bénéficier dans l’entreprise. « L’annonce est tombée une semaine avant la naissance de ma fille », témoigne ce développeur de 36 ans. « Une sacrée bonne surprise ! J’ai ainsi pu soulager ma compagne après l’accouchement et passer près de six semaines aux côtés de ma fille. Une chance ! Au travail, personne ne m’a fait de remarque. Mon absence a forcément pesé sur la charge de travail de l’équipe mais mes collègues s’en sont arrangés. Tout le monde sait qu’une naissance, c’est important dans une famille.»

UN EFFORT MODÉRÉ POUR L’ENTREPRISE

Reste qu’une telle mesure a un coût pour l’employeur. Pour l’évaluer, il faut estimer la probabilité que chaque collaborateur a,selon son âge, de devenir parent dans l’année, en sachant que, d’après les statistiques de l’Insee de 2016, l’âge moyen du père à la naissance se situe autour de 31-32 ans, puis croiser ces données avec les salaires moyens par tranche d’âge. Un calcul que n’a pas fait Frédéric de Goubert. « Ce n’est pas parce que vous allez mettre en place ce congé que tous vos employés vont soudain se mettre à faire des bébés », tempère-t-il. « On parle d’événements qui arrivent au maximum trois ou quatre fois dans une carrière. Cela ne représente pas un gros effort pour l’employeur. »

L’investissement peut même vite s’avérer rentable. « Aujourd’hui, les jeunes générations se posent beaucoup de questions sur le sens de ce qu’ils font et dans quel contexte ils le font », constate Frédéric de Goubert. « Très sensibles aux sujets sociaux, ils ciblent des boîtes en phase avec leurs valeurs. » Pour autant, pas question pour ce patron d’en faire un argument marketing. « On n’a pas du tout communiqué sur cette mesure à l’extérieur », assure-t-il. « On ne doit pas être fier de rattraper un retard social qui existe depuis trop longtemps ! »